En Ontario, comme au Québec, différents numéros d’autoroutes signifient différentes choses. Nombre pair, impair, numérotée entre 1 et 99 ou entre 300 et 399, au Québec, ces chiffres nous parlent. Dans le sud de l’Ontario, plusieurs tronçons font partie de ce qu’on appelle «la série 400», qui agit au même titre que les autoroutes au Québec ou les freeways aux États-Unis: on peut y rouler vite.
Le cas de l’Ontario
Depuis 2019, un projet-pilote a cours sur trois tronçons des autoroutes de la série 400, où on y a fait passer la vitesse maximale de 100 km/h à 110 km/h. Après trois années d’évaluation et de sondages, l’Ontario a décidé d’officialiser la chose et de faire passer la limite de vitesse à 110 km/h sur six tronçons de la série 400 et d’y ajouter deux tronçons, en mode essai ceux-ci.
Le gouvernement ontarien avait auparavant effectué un sondage auprès de 8 300 répondants concernant les autoroutes de la série 400. Dans les personnes sondées, 80% trouvent que la limite de 100 km/h sur les autoroutes 400 est «trop lente» et appuient le projet de l’augmenter; de même, 82% des répondants sont en accord avec une augmentation du nombre de tronçons où la vitesse est accrue.
Dans un communiqué, le gouvernement ontarien indique que «ces sections d’autoroute auront des mesures de sécurité supplémentaires mises en place, telle que l’ajout de panneaux et de messages afin que tous les conducteurs sachent où les limites de vitesse ont changé.»
Dans le cadre de ces changements, toutefois, les camionneurs ne verront pas leur limite de vitesse augmenter et les amendes pour les grands excès de vitesse restera fixée au même seuil, soit 150 km/h — et non 50 km/h au de-là de la limite de vitesse, comme c’était le cas auparavant.
Et le Québec dans tout ça?
Lorsque questionné par Driving.ca en français sur le sujet, le ministère des Transports du Québec (MTQ) a eu la même réponse qu’en 2018: non, ça ne se produira pas.
Vous vous souviendrez peut-être, en mars 2018, de la proposition du Parti québécois d’augmenter la limite de vitesse sur certaines routes jusqu’à 120 km/h, qui avait été rejetée par le gouvernement.
À ce moment-là, deux camps s’opposaient. D’un côté, ceux qui mettaient de l’avant que les automobilistes québécois roulent déjà au-delà de la limite de vitesse de 100 km/h et bénéficient d’une certaine latitude de la part des policiers et policières, qui auraient un seuil de tolérance jusqu’aux alentours de 117-118 km/h. Pourquoi ne pas l’augmenter officiellement pour que tout le monde sache réellement à quoi s’en tenir? disait le premier camp.
De l’autre côté de ce débat, le gouvernement et certains experts faisaient valoir qu’une augmentation de la limite de vitesse augmente statistiquement la prévalence d’accidents, de collisions avec blessés graves et de décès sur les routes.
L’argument tient encore… la route aujourd’hui, soutient le MTQ. «L’augmentation de la vitesse aurait des effets négatifs sur la sécurité, indique son porte-parole, Louis-André Bertrand. Les usagers de la route ne souhaitent pas qu’il y ait une augmentation du nombre d’accidents, [et] la hausse de la vitesse augmenterait la gravité des accidents et aggraverait le poids sur le système de santé.»
Des arguments en faveur du statu quo
L’Ontario n’est pas la première — et parions qu’elle ne sera pas pas la dernière — juridiction à augmenter ses limites de vitesse. Ce fut le cas en Colombie-Britannique qui, en 2014, a décidé de hausser augmenter la limite de vitesse sur environ 1300 km de segments d’autoroute. La majeure partie de ces segments avaient vu une augmentation de 10 km/h, une petite portion avait même vu une hausse de 20 km/h.
Résultat? Une augmentation «statistiquement significative» de 11,1% du nombre d’accidents graves et de décès, selon une étude de 2016 . À tel point que, en 2018, le gouvernement de Colombie-Britannique a annoncé… une diminution de la vitesse sur plusieurs des segments qui avaient été modifiés en 2014.
Plusieurs études ont été menées, autant aux États-Unis qu’en Europe , et les résultats concordent très souvent: l’augmentation des limites de vitesse sur les routes est directement corrélée avec une augmentation du nombre et de la gravité des accidents.
Le Québec n’a pas les autoroutes pour ça
L’une des raisons principales pour lesquelles une augmentation de la limite de vitesse au Québec ne pourrait être considérée — à moins d’être prêts à y investir beaucoup, beaucoup d’argent —, c’est à cause de la manière dont nos autoroutes ont été construites: courbes trop prononcées, arbres et poteaux trop proches de la voie…
De fait, un tel projet nécessiterait des travaux d’ingénierie pour déterminer «la géométrie des lieux» et établir des barèmes de faisabilité, selon Louis-André Bertrand, du MTQ. Ce qui, bien sûr, coûterait beaucoup d’argent et de ressources.
Et la «tolérance» policière?
«Ce sont les différents corps policiers qui déterminent comment appliquer le Code de la sécurité routière», rappelle M. Bertrand. Ainsi, cette «tolérance» dont on parle si souvent est en fait la prérogative des policiers et policières qui surveillent nos routes.
Ce qui, pour plusieurs, peut passer pour une application arbitraire du Code de la route a néanmoins ses raisons d’être. En entrevue à Radio-Canada en 2018, Alain Gelly, policier à la retraite et chroniqueur, soulignait la nécessité pour les agents d’avoir cette adaptabilité: «Les policiers veulent avoir la latitude d’appliquer, selon les conditions, selon les situations, les limites de vitesse», affirmait-il en entrevue avec Alain Gravel.
Par exemple, dépasser quelqu’un à 105 km/h en plein été sur une chaussée sèche peut justifier que le patrouilleur ou la patrouilleuse laisse passer. A contrario, rouler à 115 km/h alors qu’il y a de la pluie durant la fonte des neiges, un cocktail dangereux pour l’aquaplanage, peut justifier une contravention, même si la personne se trouve à l’intérieur de ce qui est considéré, au Québec, comme la zone de tolérance.
Un argument en or… et en vert
Pour plusieurs, les considérations de vitesse et de risque d’accident peuvent être vagues et sans grand impact sur leur propre vie. Si je conduis bien, pourquoi aurais-je besoin de ralentir?
On peut répondre à cela par un argument… économique: plus on roule vite, plus on consomme d’essence. Ainsi, rouler à 120 km/h consomme 20% plus d’essence que rouler à 100 km/h . Qui plus est, sur une distance de 25 km, ces 20% supplémentaires se traduisent par une économie de temps… deux deux minutes.
Comme l’a calculé Jean-Marie De Koninck, mathématicien et fondateur de l’opération Nez-Rouge: «Si, du jour au lendemain, chaque automobiliste québécois respectait les limites de vitesse affichées, la province épargnerait environ deux milliards de litres de carburant.» Soit, au prix du litre actuel, près de 600$ pour chacune des 6,5 millions de véhicules de promenade immatriculés dans la Belle Province.
C’est un argument en or… et en vert.
Keyword: L’Ontario augmente sa limite à 110km/h, le Québec n’imitera pas