
D'abord le Covid, puis la crise des puces, qui a paralysé les chaînes de production de l'industrie automobile mondiale. Désormais, des années plus tard, le spectre d'un nouveau blocage dans la fourniture de semi-conducteurs refait surface. Au centre de cette nouvelle potentielle urgence se trouve Nexperia, groupe basé aux Pays-Bas et parmi les principaux fournisseurs mondiaux de puces pour l'industrie automobile.
Selon des sources proches de l'industrie, les stocks actuellement disponibles pourraient s'épuiser en quelques semaines, ouvrant le scénario le plus redouté : l'arrêt des installations de production en Europe et en Amérique du Nord.
BMW : premiers signes de difficultés dans la chaîne logistique
Le premier à signaler des problèmes concrets, comme l'a rapporté Automotive News Europe, a été BMW, qui a déclaré avoir constaté des impacts sur certaines parties de son réseau d'approvisionnement. L'assemblage dans les usines se poursuit pour l'instant sans retards, mais le constructeur allemand a intensifié les contrôles pour anticiper les éventuelles difficultés et, si nécessaire, activer des contre-mesures.
Aussi, Mercedes, Volkswagen, Stellantis et Renault suivent de près l'évolution de la situation. Certaines d'entre elles, selon des sources industrielles, auraient déjà mis en place des groupes de travail dédiés à gérer cette urgence. En particulier, Volkswagen a confirmé que certains composants utilisés dans ses véhicules contiennent des puces Nexperia, même si elles ne sont pas fournies directement. Stellantis, quant à elle, a confirmé des contacts en cours avec le fabricant néerlandais et d'autres partenaires stratégiques pour comprendre l'ampleur potentielle de la crise.
Petites puces, conséquences énormes
Les puces produites par Nexperia, bien que "basiques" par rapport aux microprocesseurs haute performance, sont essentielles pour des centaines de fonctions électroniques présentes dans chaque voiture. Elles sont utilisées pour contrôler les systèmes de sécurité, la gestion de la puissance, l'éclairage, mais aussi des éléments comme le volant ou les lève-vitres.
Le problème critique est que ces semi-conducteurs, dans la plupart des cas, n'arrivent pas directement aux constructeurs automobiles, mais sont intégrés dans les modules fournis par des entreprises de premier et de second niveau. Cela rend très difficile la cartographie précise de l'effet domino d'une éventuelle interruption d'approvisionnement.
Une crise géopolitique, pas seulement industrielle
Pour compliquer encore les choses, il y a le contexte géopolitique dans lequel cette affaire s'inscrit. Nexperia est contrôlée par la société chinoise Wingtech Technology, et c'est précisément cette participation qui a déclenché l'alarme aux Pays-Bas, où le gouvernement a activé une loi spéciale, datant de l'époque de la Guerre froide, pour limiter les exportations de composants stratégiques.
Pékin a réagi en bloquant l'exportation des puces Nexperia depuis ses usines en Chine, aggravant une situation déjà délicate. De l'autre côté, les États-Unis avaient déjà inscrit Wingtech sur la liste noire du Département du Commerce, craignant un transfert de technologies sensibles à des fins non civiles.
Entre-temps, Nexperia elle-même a fait savoir qu'elle souhaitait engager un dialogue constructif avec les autorités chinoises et américaines. Un CEO par intérim a également été nommé pour faire face à la phase la plus critique.
Par ailleurs, l'association européenne des constructeurs, l'ACEA, a qualifié la situation de “potentiellement dévastatrice” pour la production automobile du continent. La Directrice Générale, Sigrid de Vries, a souligné que la crise concerne pratiquement toutes les marques européennes, compte tenu de la diffusion généralisée des puces Nexperia dans la chaîne d'approvisionnement.
“La question doit être abordée de manière pragmatique et avec urgence par toutes les parties concernées, à l'échelle internationale”, a-t-elle déclaré.
Aux États-Unis aussi, l'inquiétude grandit. L'Alliance for Automotive Innovation, qui représente les principaux constructeurs actifs sur le marché nord-américain, a mis en garde contre un possible ralentissement des lignes de production dès le mois prochain. Le CEO de l'association, John Bozzella, a déclaré qu'un blocage des expéditions “aurait non seulement un impact sur le secteur automobile, mais aussi sur d'autres secteurs industriels fortement dépendants de l'électronique de base”.
Source: Stocks de puces électroniques : une nouvelle crise en vue pour l'industrie automobile ?